Lors de la Conférence nationale 2025 de l’AIA Canada dans le cadre de la Conférence de l’industrie canadienne de l’entretien et la réparation automobile (CAIC), les participants ont obtenu de précieuses perspectives sur le marché du travail grâce à une table ronde consacrée aux défis liés à la main-d’œuvre. Animée par James Channer, PDG d’InMotion Brands, la discussion réunissait des leaders de l’industrie : Paul Prochilo, PDG de Simplicity Car Care, Karim Mouldi, président de Canari International Recruitment, et Susan Mowbray, associée chez MNP. Ensemble, ils ont abordé une question cruciale : l’immigration est-elle la solution à la pénurie de main-d’œuvre?

De gauche à droite : James Channer, Karim Mouldi, Tony Kuczynski, Susan Mowbray, Paul Prochilo
Le secteur canadien de l’entretien et de la réparation automobile fait face à d’importants défis de main-d’œuvre, en particulier pour recruter des technicien(ne)s en services automobiles qualifié(e)s et spécialisé(e)s. Bien que le taux de postes vacants ait diminué et que le chômage ait légèrement augmenté — des facteurs qui, normalement, indiqueraient une main-d’œuvre plus disponible — les entreprises peinent toujours à trouver des travailleuses et travailleurs compétents.
Le véritable enjeu est le manque de personnes possédant les compétences et la formation requises pour combler ces postes. Les changements démographiques y contribuent fortement, puisque le départ à la retraite des baby-boomers creuse un écart que les générations suivantes ne comblent pas au même rythme. Les générations X et Y sont numériquement plus petites, et moins de personnes optent pour des carrières dans les métiers spécialisés. De plus, le taux de diplomation des apprentis reste faible, seulement la moitié environ complétant leur programme.
Au cours des cinq ou six prochaines années, on estime qu’il manquera environ 30 000 technicien(ne)s au Canada. Alors que la technologie des véhicules évolue et que les réparations deviennent de plus en plus complexes, le besoin de professionnelles et professionnels correctement formés deviendra encore plus urgent, soulignant l’importance de combler cet écart.
L’immigration : une solution?
L’immigration est souvent perçue comme une stratégie idéale pour combler cet écart. Historiquement, environ le tiers des postes vacants étaient pourvus par des travailleurs étrangers temporaires. Toutefois, les récents changements réglementaires compliquent cette solution, la rendant plus coûteuse et imprévisible.
Le gouvernement fédéral a réduit de 20 pour cent à 10 pour cent la part maximale de travailleurs étrangers temporaires qu’une entreprise peut embaucher, a limité les permis de travail à un an et impose désormais un salaire majoré de 20 pour cent par rapport au salaire médian pour ces embauches. Ces changements posent des défis majeurs, notamment pour les petites entreprises et celles situées hors des grands centres urbains où l’accès à la main-d’œuvre est déjà limité.
« Vous ne pouvez pas embaucher à l’international sans payer 20 pour cent de plus que le salaire moyen. Quand ce salaire dépasse déjà 33 $ à 36 $ de l’heure — alors que d’autres employés locaux gagnent moins — cela n’a malheureusement pas de sens économiquement. Cela décourage bien des propriétaires d’entreprise d’embaucher à l’international », explique Karim Mouldi.
De plus, les délais pour obtenir les permis de travail sont d’au moins six mois, compliquant davantage les processus d’embauche. Les coûts dépassant les 10 000 $ par travailleur ajoutent une pression financière importante, surtout compte tenu de l’incertitude liée aux compétences et à l’adaptation culturelle des candidats. Malgré ces défis, l’immigration reste une solution essentielle pour certains postes spécialisés.
Considérations supplémentaires lors de l’embauche à l’international
L’immigration, bien qu’importante, comporte plusieurs défis :
- Diligence dans le processus de recrutement : Évaluer rigoureusement les compétences à l’étranger est crucial. Certaines organisations collaborent avec des évaluateurs internationaux pour valider les compétences des technicien(ne)s avant leur arrivée.
- Adaptation et intégration culturelle : Même les meilleurs technicien(ne)s peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation. Certains employeurs mettent en place des systèmes de soutien, comme le jumelage avec d’autres nouvelles recrues ou une aide au logement.
- Stratégies de rétention : Logements favorisant la socialisation ou programmes de mentorat sont autant d’initiatives qui favorisent l’intégration durable au sein des équipes et de la culture canadienne.
- Gérer le risque d’échec : Le système réglementaire présume que les travailleuses et travailleurs étrangers resteront chez l’employeur qui les parraine, mais en cas d’inadéquation, les options sont limitées et les coûts déjà engagés sont souvent irrécupérables.
Stratégies à privilégier face aux défis de main-d’œuvre
Pour résoudre la pénurie de compétences, l’industrie doit adopter une approche multiple :
Investir dans l’apprentissage
Malgré un taux d’abandon de 50 pour cent, les apprentis représentent l’avenir. Le secteur doit investir dans leur recrutement, leur formation et leur encadrement pour leur offrir des perspectives de carrière claires.
Améliorer les processus internes
Réviser les flux de travail et répartir les tâches de manière efficace permet d’optimiser la productivité sans alourdir la charge des équipes.
« Faites l’inventaire de vos systèmes et processus. Supprimez les contraintes et n’attendez pas que le gouvernement intervienne. Vous n’atteindrez jamais l’optimisation si vous ne repensez pas votre manière de faire des affaires », souligne Paul Prochilo.
Responsabiliser les leaders
Le leadership joue un rôle clé dans la rétention du personnel. La mise en place de formations ou de certifications pour les gestionnaires de première ligne est recommandée.
Sensibilisation aux politiques
L’industrie doit s’impliquer pour adapter les politiques d’immigration aux réalités du marché du travail. Les critères actuels ne reconnaissent pas adéquatement l’importance des métiers de l’entretien et de la réparation automobile dans l’infrastructure du transport.
« Le problème vient en partie de la manière dont les emplois sont évalués. Si vous regardez le système de points — ces emplois sont-ils considérés comme des métiers spécialisés? Ce système a été conçu par des universitaires qui ne comprennent pas les réalités industrielles », explique Susan Mowbray.
Diversifier les approches de recrutement
Miser sur le talent local, le rehaussement des compétences, la collaboration avec les institutions de formation professionnelle et l’immigration ciblée constituent une stratégie globale.
Pour aller de l’avant
L’immigration ne doit pas être perçue comme une solution rapide, mais comme un élément d’une stratégie à long terme. Recruter, c’est multiplier les approches et s’adapter en continu. Pour les organisations prêtes à innover et à investir dans les personnes et les processus, la voie est ouverte.
Ce blogue est basé sur le panel de discussion Marché du travail : l’immigration est-elle la solution aux défis de main-d’œuvre?, animée par James Channer, accompagné de Karim Mouldi, Paul Prochilo et Susan Mowbray, lors de l’édition 2025 de la Conférence nationale de l’AIA Canada dans le cadre de la Conférence de l’industrie canadienne de l’entretien et de la réparation automobile.